Les cassures double-brin de l’ADN (DSB pour Double-Strand Break) sont des dommages extrêmement toxiques et leur réparation est donc essentielle pour préserver l’intégrité des chromosomes. En réponse à l’apparition d’une DSB dans le génome, la kinase ATM permet en quelques minutes la phosphorylation du variant d’histone H2AX sur un domaine chromatinien de très grande taille, de l’ordre d’une mégabase (un million de paires de bases), qui constituera ainsi un foyer de réparation. Néanmoins, la façon dont ces foyers sont assemblés aussi rapidement pour établir un environnement nucléaire qui soit favorable à la réparation des cassures de l’ADN restait encore largement méconnue.
D’autre part, il est important de souligner que le génome est organisé en trois dimensions dans le noyau des cellules. Notamment, les TAD (pour Topologically Associating Domains) sont des domaines enrichis en interactions chromatiniennes qui correspondent chacun à une unité clé de cette organisation de la chromatine. Il a été proposé que les TAD émergent d’un processus d’extrusion de boucle. En effet, selon ce modèle, une fois associé à la chromatine, l’anneau de cohésines entoure l’ADN pour former une boucle, qui s’élargit progressivement à mesure que les cohésines extrudent activement l’ADN. Ce processus prend fin lorsque les cohésines rencontrent des séquences particulières appelées éléments frontières forts qui marquent les limites du TAD. Ces boucles d’ADN sont omniprésentes sur le génome humain et différentes études ont mis en lumière un rôle fonctionnel de l’organisation de l’ADN en TAD dans des processus tels que la transcription ou la réplication. Toutefois, le rôle des TAD et de leur mécanisme de formation par extrusion de boucle n’avait pas encore été impliqué dans la réparation de l’ADN.
Une collaboration entre l’équipe de Gaëlle Legube au Centre de Biologie Intégrative (CBI) de Toulouse, et les équipes de Daan Noordermeer à l’I2BC de Gif-sur-Yvette, de James E. Haber à l’Université de Brandeis à Waltham (USA) et d’Emiliano P. Ricci à l’ENS de Lyon, a permis de répondre à ces interrogations. Les chercheurs ont utilisé des techniques de capture de conformation des chromosomes, telles que le Hi-C et le 4C-seq, qui permettent de connaitre respectivement les interactions chromatiniennes du génome entier ou d’un locus d’ADN spécifique avec le reste du génome. Ces technologies, combinées à un système cellulaire dans lequel il est possible d’induire un nombre constant de DSB à des positions connues et annotées du génome (modèle DIvA), ont permis de mettre en évidence un rôle majeur de la conformation de la chromatine par extrusion de boucle dans la réparation des DSB. En effet, les chercheurs ont montré que la phosphorylation de H2AX sur un TAD entier est permise grâce à un processus d’extrusion de boucle de chromatine dépendant des cohésines et ayant lieu de part et d’autre de chaque DSB (voir Figure). Les auteurs proposent ainsi un nouveau modèle permettant d’expliquer d’une part, comment sont assemblés les foyers de réparation, et d’autre part, la rapidité de cet assemblage, et impliquant les TAD comme unités fonctionnelles de la réponse cellulaire aux dommages à l’ADN.
Ces travaux ont permis de montrer le rôle majeur de la conformation des chromosomes dans la maintenance de l’intégrité du génome tout en mettant en évidence pour la première fois un exemple de modification de la chromatine grâce au processus d’extrusion de boucle.
Pour en savoir plus :
Loop extrusion as a mechanism for formation of DNA damage repair foci.
Coline Arnould, Vincent Rocher, Anne-Laure Finoux, Thomas Clouaire, Kevin Li, Felix Zhou, Pierre Caron, Philippe. E. Mangeot, Emiliano. P. Ricci, Raphael Mourad, James E. Haber, Daan Noordermeer and Gaëlle Legube
Nature (2021) https://www.nature.com/articles/s41586-021-03193-z
DOI : 10.1038/s41586-021-03193-z
Cette publication a également fait l’objet d’un ’News and views’ dans Nature
Contact chercheur I2BC :
Daan Noordermeer